de Veliko. Il etait fils d'un cordonnier, et ses parents ne semblent pas s'etre donne beaucoup de mal pour son education, car il ne sait ni lire ni ecrire. A l'age de huit ans il fut enleve par des Tchingenehs ou Bohemiens. Ces gens le menerent en Bosnie, ou ils lui apprirent leurs tours et le convertirent sans peine a l'islamisme, qu'ils professent pour la plupart. {1} Un ayan ou maire de Livno le tira de leurs mains et le prit a son service, ou il passa quelques annees.Il avait quinze ans, quand un moine catholique reussit a le convertir au christianisme, au risque de se faire empaler s'il etait decouvert; car les Turcs n'encouragent point les travaux des missionnaires. Le jeune Hyacinthe n'eut pas de peine a se decider a quitter un maitre assez dur, comme sont la plupart des Bosniaques; mais, en se sauvant de sa maison, il voulut tirer vengeance de ses mauvais traitements. Profitant d'une nuit orageuse, il sortit de Livno, emportant une pelisse et le sabre de son maitre, avec quelques sequins qu'il put derober. Le moine, qui l'avait rebaptise, l'accompagna dans sa fuite, que peut-etre il avait conseillee.De Livno a Scign en Dalmatie il n'y a qu'une douzaine de lieues. Les fugitifs s'y trouverent bientot sous la protection du gouvernement venitien et a l'abri des poursuites de l'ayan. Ce fut dans cette ville que Maglanovich fit sa premiere chanson: il celebra sa fuite dans une ballade, qui trouva quelques admirateurs et qui commenca sa reputation. {2}Mais il etait sans ressources d'ailleurs pour subsister, et la nature lui avait donne peu de gout pour le travail. Grace a l'hospitalite morlaque, il vecut quelque temps de la charite des habitants des campagnes, payant son ecot en chantant sur la guzla quelque vieille romance qu'il savait par c"?"ur. Bientot il en composa lui-meme pour des mariages et des enterrements, et sut si bien se rendre necessaire, qu'il n'y avait pas de bonne fete si Maglanovich et sa guzla n'en etaient pas.Il vivait ainsi dans les environs de Scign, se souciant fort peu de ses parents, dont il ignore encore le destin, car il n'a jamais ete a Zuonigrad depuis son enlevement.A vingt-cinq ans c'etait un beau jeune homme, fort, adroit, bon chasseur et de plus poete et musicien celebre; il etait bien vu de tout le monde, et surtout des jeunes filles. Celle qu'il preferait se nommait Marie et etait fille d'un riche morlaque, nomme Zlarinovich. Il gagna facilement son affection et, suivant la coutume, il l'enleva. Il avait pour rival une espece de seigneur du pays, nomme Uglian, lequel eut connaissance de l'enlevement projete. Dans les m?urs illyriennes l'amant dedaigne se console facilement et n'en fait pas plus mauvaise mine a son rival heureux; mais cet Uglian s'avisa d'etre jaloux et voulut mettre obstacle au bonheur de Maglanovich. La nuit de l'enlevement, il parut accompagne de deux de ses domestiques, au moment ou Marie etait deja montee sur un cheval et prete a suivre son amant. Uglian leur cria de s'arreter d'une voix menacante. Les deux rivaux etaient armes suivant l'usage. Maglanovich tira le premier et tua le seigneur Uglian. S'il avait eu une famille, elle aurait epouse sa querelle, et il n'aurait pas quitte le pays pour si peu de chose; mais il etait sans parents pour l'aider, et il restait seul expose a la vengeance de toute la famille du mort. Il prit son parti promptement et s'enfuit avec sa femme dans les montagnes, ou il s'associa avec des heyduques {3}.Il vecut longtemps avec eux, et meme il fut blesse
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Пушкин А.С.   Стихотворения 1823-1836